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J’ai sauté du bateau sur la plage de Nusa Penida vers 13h un jeudi. Il faisait déjà très chaud. A l’intérieur, beaucoup de couple, de gens par deux et très peu de voyageur solo, comme moi. Sur le rivage, nombreux sont les chauffeurs de taxi à alpaguer les touristes pour les amener jusqu’à leur hôtel. Je me laisse tenter par un, regrettant de ne pas avoir demandé à l’hostel de m’envoyer quelqu’un. Par la fenêtre de la voiture, l’île s’ouvre à moi. Elle semble calme, très verte et si peu fréquentée par les touristes de toutes les nationalités, que j’avais croisé à Uluwatu. Je ne m’attendais pas à ça. Mais à quoi est-ce que je m’attendais réellement ?
Parmi mes rencontres, certains m’ont annoncé que deux semaines à Bali, ce n’était pas assez. Heureusement, je suis partie deux semaines et demi, alors je me dis que c’est pas mal. Je ne suis plus une enfant, mais le demi compte toujours. Lorsque j’ai pensé mon itinéraire, on m’a recommandé plus d’une fois de passer quelques jours à Nusa Penida. Sans trop réfléchir ni me renseigner, j’ai ajouté cette île à mon séjour. Elle se trouve à 45 minutes de fast boat de Bali, et elle n’a pas encore été atteinte par le tourisme de masse (mais au vu des constructions aux quatre coins de l’île, ça ne saurait tarder). Quand j’ai réservé mon logement, j’ai opté une nouvelle fois pour une auberge de jeunesse, mais en jouant la carte de la tranquillité, en bookant une chambre privée. Ce que je n’avais pas pris en compte, c’est que l’hostel n’est pas à proximité des plages "à voir" et qu’ici, il n’y a pas de ville touristique ni de station balnéaire. Et surtout, je n’avais pas réfléchi au : transport.
Après avoir déposé mes affaires, je décide d’aller voir la plage à côté de l’hostel. J’y vais à pied, aucun touriste ne marche par ici, ils sont tous sur des scooters. Je passe devant un entrepôt, je tourne la tête, des centaines de poulets dans des cages. Je continue d’avancer, il n’y a rien, il n’y a que moi, et quelques locaux qui ne comprennent pas trop ce que je fais là. La soi-disant plage n’en est pas réellement une, c’est plus une sorte de mini port, non loin de la culture des algues. Personne ne s’y baigne et moi-même, je ne m’y aventurerais pas. Je décide de retourner à l’hostel par la rue principale. Je suis toujours seule, seule au milieu de nulle part. Seule au milieu d’une petite île, elle-même au milieu de l’Indonésie. Pays au milieu des mers, a des milliers de kilomètres de chez moi. Seule. Sans savoir où aller.
C’est là où les angoisses ont commencé à se faire ressentir. Je me mets alors à marcher vite pour rejoindre l’hostel, j’ai chaud, il n’y a pas de trottoir ici, je commence légèrement à paniquer, mais pour quelle raison ? J’essaye de me rassurer "tu vas louer un scooter et tu vas rejoindre une plage touristique, ça va le faire". Le gérant de l’hostel, un Indonésien adorable, m’explique que si je n’ai jamais conduit un tel engin, ce n’est peut-être pas la meilleure idée. Il me fait essayer un scooter et le verdict est sans appel : il a raison. Je vais être trop stressée, les routes sont trop compliquées, apprendre le scooter à Nusa Penida, c’est certainement un peu trop audacieux, je ferais mieux d’être sympa avec moi-même. Je savais que j’aurais dû tester le deux roues à moteur avant de partir.
C’est finalement un chauffeur local qui me conduira pour explorer l’île. Chaque jour un nouveau. Après cette petite crise d’angoisse, je suis allée voir le soleil se coucher sur Crystal Bay, un spectacle incroyable. Le lendemain, j’ai croisé des tortues en faisant du snorkelling et j’ai déjeuné avec un Anglais, qui vient tout juste d’être diplômé et qui voyage seul pendant trois mois. A la fin du déjeuner, il a annoncé "it was a lovely lunch" et ça m’a mis du baume au cœur. Le gérant de l’hostel m’a offert une grande bouteille d’eau en me faisant signe de me taire, parce qu’il ne l’avait pas dit à sa femme. L’après-midi, je me suis fait conduire pour voir trois points touristiques. J’ai traversé cette île, observé les villages, les locaux. Souri à chaque fois que je voyais un coq traverser la route. Des enfants m’ont fait coucou, j’ai photographié le paysage.
Je me suis aventurée du côté du spot le plus instagrammable de l’île. Une falaise à couper le souffle. Après avoir descendu et remonté des escaliers, interminables, difficiles, dangereux, j’ai pensé très fort à deux choses : je dois vraiment apprendre à lâcher prise, et c’est dingue à quel point c’est magnifique.
Lorsque, à 17 ans, j’ai quitté le nid familial pour vivre seule pour la première fois, dans une chambre universitaire, mon bonheur était de pouvoir manger des pasta box quand je le souhaitais. Quand j’ai eu mon permis, je ressentais une immense joie en conduisant, en fin de journée, illuminée par le soleil couchant du sud, avec ma musique préférée à fond. Lorsque je suis arrivée sur Nusa Penida, je ne savais pas dans quel restaurant manger (si tu ne veux pas attraper Bali Belly, tu ne t’aventures pas n’importe où) et je n’avais pas de moyen de locomotion.
Après une journée d’adaptation, je m’y suis faite. J’ai ancré dans ma tête qu’en voyageant seule, je devais aussi lâcher prise. Je ne peux pas tout contrôler, et c’est ok. Je prends plaisir à traverser les villages à l’arrière d’un scooter (même si ça fait très mal aux fesses). J’ai trouvé où déjeuner et dîner, et je peux faire les choses à mon rythme. Ça n’a rien à voir avec mon ancienne auberge, où j’avais de nombreux copains de route avec qui dîner, aller à la plage ou faire la fête. Mais c’est aussi une autre facette de mon périple.
Je tape ces mots depuis une plage où nous sommes peut-être 4. Aujourd’hui, j’ai pris le temps d’écrire et ça ne m’était pas arrivée depuis plusieurs jours. J’ai dormi 11h la nuit dernière et ce matin, j’ai préféré sécher le petit-déjeuner de l’auberge pour rester au lit. Ensuite, je suis allée au petit magasin du coin, acheter une brique de jus de fruit et des céréales. J’ai mangé mon petit-dej à midi, depuis mon lit, un peu comme j’aurais pu le faire à Paris. Et j’ai pris mon temps.
Voyager seule, quand on a des tendances hyperactives et qu’on aime être entourée de gens, c’est un peu challengeant. Ça fait travailler sur soi. Avoir des angoisses à l’autre bout du monde, dans un cadre idyllique, ça m’a un peu fait culpabiliser. Comment je peux me sentir mal alors que j’ai la chance d’être en vacances, que l’eau est chaude, le soleil brille, tout devrait être ok ? Mais je réalise et j’accepte que c’est juste normal. On ne peut pas être toujours en forme et ce genre d’expérience, c’est aussi un moyen de se (re)découvrir.
Après deux jours, j’ai trouvé la beauté de Nusa Penida. C’est une île incroyable, qui a la chance, si je puis dire, d’être évitée du tourisme pour le moment. Si on met de côté les quelques falaises hyper connues sur les réseaux sociaux (et qui valent le détour), tous les autres coins de l’île sont sublimes. D’un côté, les vagues caressent les rochers. De l’autre, la mer calme, permet la culture des algues. Au milieu, de nombreux champs de cocotiers, de la végétation dans tous les sens, des animaux en liberté. Des points de vue inoubliables et un lieu si paisible, que ça déstabilise.
Depuis cette plage où je suis presque seule, je réalise la difficulté, et l’importance, de trouver ses marques. Lorsque je suis arrivée à Uluwatu, j’ai été absorbé par celles de toutes les personnes que j’ai rencontrées dès le premier jour. Ici, j’étais simplement moi, mon sac à dos, et un espace totalement nouveau, très éloigné de tout ce que je connais. Il n’y a pas d’Uber, il n’y a pas de grands commerces, il n’y a que de la découverte. C’est aussi une belle façon de réaliser, que je ne sais rien, et que j’ai encore tout à apprendre.
À l’arrière du scooter, au milieu des palmiers, après avoir aperçu la mer au loin, le soleil qui chauffe mes épaules, je comprends que voyager seule est une chance inouïe et je n’ai certainement jamais rien connu d’aussi formateur. Je crois, j’en suis même sûre, que la vie vient de se teinter d’une toute nouvelle couleur.
Après Nusa Penida, je mets le cap sur Amed, à bientôt (peut-être) pour la suite de mes aventures.
Des bisous
Lauréna
et rendez-vous sur Instagram si tu veux voir mes aventures en images.
Trop bien écrit 😎🥰😘🌺