C’est comme si tout à coup, un nuage s’invitait dans une journée estivale ensoleillée. Et puis un deuxième. Un troisième. Très rapidement, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, le ciel entier se voit voilé. Tout est gris. Tout semble triste. Et soudainement, les nuages craquent, des gouttes tombent. Une, puis deux, le ciel en vient à crier sa détresse. Il pleut toutes ses peines, les réelles comme les imaginaires. Un éclair apparaît, un second, le tonnerre gronde. La tempête est lancée, qu’est-ce qui pourrait l’arrêter ?
D’autres fois, c’est plus calme, c’est simplement gris. Du brouillard masque le soleil et les sourires. Du vent vient raidir le corps, mais la tempête parait éloignée. Pourtant, à tout moment, elle pourrait se déclencher.
Voilà ce qu’il se passe dans ma tête quand je ressens l’anxiété. Tout va de l’extérieur, tout devrait aller, mais subitement, sans raison valable, une agitation prend forme dans ma tête. Une brume masque ma joie de vivre, une averse recouvre mon bien-être et sans que je comprenne réellement pourquoi, mon énergie disparaît plus le brouillard se répand. Je remets alors tout en question : mes choix, mes proches, mes envies, le présent, le futur, la vie. C’est l’anxiété qui vient me rendre visite.
Ces deux dernières semaines, j’ai beaucoup parlé de santé mentale. Angoisse, dépression, rendez-vous chez le psy, stress, anxiété… Il y a des périodes comme ça, où ces mots-clés reviennent plus que d’autres. Évidemment, durant l’été, les pensées étaient en bord de mer ou dans un jacuzzi à la montagne. Le moral était globalement au beau fixe, dans mon entourage, toutes ces problématiques avaient pris des congés. Mais comme d’habitude, la fuite, ne marche pas vraiment. La rentrée a sonné le glas de l’été, et avec elle, le retour de la vraie vie.
Ce sont des sujets que j’aborde facilement. Que je connaisse ou non, la personne en face de moi, je n’ai aucune difficulté à lui raconter que j’ai suivi une thérapie. Il faut avouer, qu’une fois que c’est écrit sur Internet, on peut difficilement s’en cacher. Mais c’est aussi parce que je l’ai écrit ici, que j’en parle avec plus de facilité. Suite à cette newsletter où je raconte comment j’ai consulté une psychologue pour une raison qui me semblait futile (mon rapport aux hommes), j’ai reçu de nombreux messages et on m’a plus d’une fois demandé le contact de ma psy. Je pourrais faire attachée de presse pour psychologue, tant mon lobby thérapie semble fonctionner.
L’anxiété, ce terme, qu’on voit de plus en plus sur Internet et notamment les réseaux, diffère pas mal d’une personne à l’autre. Cœur qui bat plus vite, respiration saccadée, sueurs, tremblements, étourdissements, inquiétudes, ruminations, obsessions, doutes… Chacun la vit un peu à sa sauce.
Chez moi, elle est apparue en bombe lorsque j’avais 16 ans. Au début, elle se présentait sous forme de crise d’angoisse. Elle m’attrapait le ventre et me le tordait jusqu’à m’arracher quelques larmes. Certaines fois, je devais enfoncer mes ongles dans la paume de ma main, pour dissiper la douleur. Angoisse ou stress, c’est comme ça que je l’appelais. Les raisons, je ne les ai jamais vraiment comprises. Les maux de l’adolescence : le garçon que j’aime qui ne m’aime pas, les disputes avec mes parents, le contrôle de philosophie, le prof d’espagnol, cette soirée à laquelle je veux aller, mais je n’ai pas le droit… Le lycée et ses problèmes qui paraissent insurmontables.
Heureusement, ces petites crises ont fini par disparaître. Enfin, il arrive encore que quelques fois dans l’année, je ressente le besoin d’enfoncer mes ongles pour calmer mon corps. Comme au début du mois d’août, où sur le trajet pour me rendre au métro, j’ai commencé à flancher. Une fois dans celui-ci, j’ai dû faire demi-tour après une station pour rentrer chez moi. Un énorme malaise flotté dans mon être, des sueurs froides, des palpitations et je n’avais pas réellement de justification. Deux jours après, je partais en vacances. Pourtant, mon corps a décidé de me lâcher, de foutre le camp, sans crier gare.
A la place de l’angoisse, j’ai récemment vu apparaître l’anxiété. Elle est bien moins invasive, mais tout aussi contraignante. C’est une autre façon qu’a trouvé mon esprit, de me pourrir un peu la vie.
Je ne sais pas trop l’expliquer. Comment tout à coup, un voile d’ombre peut s’installer dans ma tête et mettre du brouillard dans un quotidien qui semblait paisible. Quand ça arrive, je sais le repérer, alors j’essaie toujours de comprendre la raison. En quoi cette phrase, entendue au travail, peut me toucher autant ? Pourquoi ai-je tant besoin que mon crush m’écrive et pourquoi est-ce que je ressens un malaise si je n’ai pas de nouvelle ? Qu’est-ce que je ressens réellement, quand cette amie ne répond pas à mon message alors qu’elle apparaît en ligne ? Pourquoi est-ce que le ciel gris, à l’extérieur, doit forcément influencer sur mon ciel intérieur ? De nombreux facteurs me font vaciller, sans raison réelle, des petits détails, qui deviennent alors insurmontables. Comme une montagne à gravir, sans équipement, avec juste mes petites jambes. Moi, au milieu d’une forêt sombre, ne sachant pas comment en sortir.
L’anxiété se déclenche et je ressens un poids immense sur mes épaules. J’ai la sensation que le monde repose sur mon dos frêle et pourrait à tout moment m’écraser. Mon cœur se serre un peu et quoi qu’on puisse dire ou faire, ça n’y change rien. J’ai chaud, j’ai froid, mon cœur bat plus vite et mon corps est vidé de toute énergie vitale. Alors dans ces moments-là, je veux disparaître des radars. Je veux juste m’effacer, ne plus être vue, ne plus voir, ne plus être entendue, ne plus entendre. Je veux juste m’enrouler dans ma couette et disparaître au fond de mon lit, jusqu’à ce que le brouillard dans ma tête se dissipe. Jusqu’au lendemain ou au surlendemain.
C’est peut-être une façon, qu’a trouvé mon corps, d’appuyer sur la sonnette d’alarme. Eh oui, car très souvent, ces instabilités surviennent quand j’ai un peu trop tiré sur la corde. Mon corps me rappelle que j’ai besoin de temps à moi. Du temps seule, où je fais des choses qui me font du bien. Un cours de yoga, regarder une série, lire un livre dans un parc, dormir. Et cesser d’être constamment dans l’hyperactivité. C’est tout le problème, d’avoir besoin de temps pour soi, tout en ayant une irrépressible envie de toujours être dans l’activité, de toujours voir du monde, de toujours vivre à fond. C’est difficile à concilier. Alors quand le brouillard envahit mon esprit, je rentre tranquillement me coucher. Et je me retrouve terrassée par le fomo. Je ressens la solitude (choisie), comme un poids, je me demande ce que je manque, j’ai envie de sortir, de voir du monde, de vivre à fond. Encore. Et c’est un véritable cercle vicieux.
L’avantage, c’est qu’après une thérapie, je sais repérer tout ça. Je sais que malgré ma soif de vivre, j’ai besoin d’appuyer sur pause. Et c’est ok, d’appuyer sur pause et de juste se couper des autres, se couper de cette vie à cent à l’heure que nous impose cette capitale inarrêtable.
Dès lors, j’annule mes plans. Je termine ma journée de travail un peu grognon et je file me coucher. Petit Deliveroo, un film doudou, ma grosse couette sur moi et je tombe de fatigue avec l’espoir d’une éclaircie au réveil. Certaines fois ça fonctionne, d’autres le brouillard persiste quelques jours. Il va, il vient, jusqu’à disparaître, jusqu’à la prochaine fois.
Je n’ai pas trouvé de remède miracle, mais j’essaie de faire avec. Comprendre pourquoi certains lundis semblent plus insurmontables que d’autres. Analyser pourquoi certains messages jouent sur mon moral. Et accepter, de ne simplement rien faire, de prendre du temps pour soi, pour sa santé mentale, pour son bien-être.
C’était un peu le cas cette semaine. Le poids du monde sur mes épaules, sans raison évidente. Le corps qui avance difficilement et qui réclame des vacances. Heureusement, elles ne sont plus si loin.
Big up et bonne semaine à tous les anxieux.ses (et aussi à ceux qui ont la chance de ne pas connaître la grisaille). Je vous souhaite du soleil, dehors comme dedans.
Bisous,
Lauréna