Les souvenirs de l’été
En 2020, on était un peu chamboulé par les mois passés. On vivait masqué, voyager était devenu compliqué, et organiser des vacances, alors que tous les précédents séjours avaient été annulés, semblait être une idée audacieuse. Alors, on est rentré dans le sud chez nos parents. La maman de Sarah lui a prêté sa maison avec piscine et on a mis en place un festival. On a tout donné : décorations, fanions, Photobooth, verres en forme de palmier, bouée flamant rose… Le temps du week-end du 15 août, on s’est tous retrouvés dans ce jardin, sur cette terrasse, dans cette maison où on a si souvent fait la fête lorsqu’on avait 17 ans. On a dansé, on a chanté, on s’est baigné. On a fait des blagues, on s’est dit “j’espère qu’on n’est pas en train de créer un cluster”, une phrase qu’on s’est répété fréquemment les deux années qui ont suivi. On a oublié un peu, toutes ces bizarreries qu’on avait vécues en 2020 et on a simplement savouré l’été. Comme avant, comme quand on avait 17, 20, 22 ans. Ensemble, entre copains, en famille. Parce que ces copains-là, c’est la famille. Et l’été, a toujours signé nos retrouvailles.
Quand on avait 17 ans, on a eu envie de camper. Mais on ne voulait pas le faire dans le jardin des parents de l’une de nous, non, on préférait faire la fête jusqu’au petit matin, se raconter nos secrets au coin du feu et danser en culotte. Alors, les six motivées (parce que le camping sauvage, ça n’est pas du goût de toute l’équipe), on a installé nos tentes dans une pinède, à côté des vignes, pas très loin des pompiers de la ville. On était en hauteur, alors on a observé le soleil se coucher sur les champs. C’était une scène poétique, ce soleil estival, cette rangée de filles qui s’apprêtent à rentrer en terminale, qui découvrent petit à petit la vie, laissant l’enfance derrière elles. Ce soir-là, était à l’image de nos 17 ans, on a dit des bêtises en buvant du Get 27, on a fait des photos qu’on ne dévoilera pas durant les mariages des copines, mais qui nous feront toujours mourir de rire. On a dansé, on s’est certainement dit qu’on s’aimait et on a fini par s’endormir quelques heures dans nos tentes, avant de se faire réveiller par une chaleur étouffante. Aujourd’hui encore, on se raconte cette soirée en riant, repensant à notre drôle d’état le lendemain matin. Une drôle de soirée de l’été de nos 17 ans, une de celle qu’on visualise dans notre tête, le sourire aux lèvres, presque 10 ans plus tard.
Dès que je suis rentrée à l’université, mes étés ont changé. Il fallait… travailler. J’ai eu de la chance, j’ai toujours bénéficié de job étudiant plutôt cool. Mais aussi cool que ce soit d’être surveillante dans un musée, les 62 jours du mois de juillet et août, j’ai constamment préféré les passer au bord de la mer, avec les copains, n’importe où, plutôt qu’au travail. Je me souviens de celui de mes 18 ans, ma première année de licence était terminée depuis la fin du mois de mai, mais je n’étais ni juillettiste, ni aoûtienne, puisque je n’avais que les week-ends pour profiter. Il y a eu ce samedi après-midi chez Mélanie. J’étais si triste de rater tous ces moments avec les copains, mais là, je les retrouvais, le temps de quelques heures, les pieds dans l’eau, au soleil. Lorsque j’ai déménagé à Paris, ces après-midis-là sont devenus la nouvelle norme. Le travail aussi, d’ailleurs. Lorsque l’été, je redescendais, le temps d’une semaine ou d’un week-end, chaque heure comptait.
Il y a cette fois, où entre deux révisions de sa prépa pour l’école d’avocat, Menthine m’a retrouvé sur les quais. On a acheté des falafels qu’on a dévorés, les pieds ballants au-dessus de la Seine, heureuse de se voir, face au ciel rosé par le soleil couchant. Il y a aussi cette soirée à l’occasion de l’anniversaire de Mélanie. Le lendemain matin, Léa quittait le sud pour s’installer à Rennes. Lorsqu’elle est partie, on a toutes dabé devant la voiture de sa mère. Je revois la photo dans ma tête et ça m’émut toujours, de penser à cette bande de meufs incroyables.
Au fil des étés, on a eu notre lot de coucher de soleil sur la plage. Pourtant, Mélanie n’aime pas le sable, mais pour le traditionnel pique-nique de la saison, elle fait régulièrement l’effort. Selon les années, certains viennent avec une guitare, d’autres font un feu. On se croirait le temps de quelques heures dans une mauvaise série, la Méditerranée de Vias remplaçant l’océan d’Arcachon. Mais le rendu est le même : on regarde les couleurs dans le ciel, on mange des tomates cerises et ceux qui ne conduisent pas se laissent tenter par plusieurs bières. On se baigne, avant, pendant ou après le pique-nique. Julia nous raconte toujours une histoire improbable, qu’elle a lue sur Twitter. On essaye tant bien que mal de la retenir, pour pouvoir la ressortir à notre tour, lorsque l’occasion se présentera. Une fois la nuit tombée, on allume la lampe baladeuse (big up à celui ou celle qui pense à l’apporter, notre sauveur à tous), on se raconte l’année, les moments qu’on a ratés, ceux qu’on a préférés. On finit toujours par évoquer un tel “qu’est-ce qu’il devient ?” ou se remémorer un souvenir, qui nous fera rire et qui voudra en réalité dire “t’imagines, tout ce qu’on a vécu ?”. Très souvent, ces pique-niques signent la fin des vacances pour ceux qui doivent déjà repartir (90 % du temps, moi). Alors, on se quitte sur le parking de la plage, on s’enlace et on se dit “à bientôt”, quand tu viendras à Paris ou quand je reviendrai deux jours durant l’automne. On se dit qu’on s’aime fort et on rentre dormir, du sable sous les pieds, des couchers de soleil dans le cœur et le sourire aux lèvres.
L’été dernier, on est tous allés chez Florie. C’est rare que l’on se retrouve tous. Il faut dire que faire bouger Paris, Montpellier, Toulouse, Orléans, les toutous, ajouter à ça les conjoints des uns et des autres… ce n’est pas toujours évident (et encore, pour le moment, on n’a pas les enfants). Mais on était là, cette bande de gens heureux. On a mis des paillettes sur nos visages, on a joué avec le toutou de Clara et Christophe, on a bu des Gin To en mangeant de la pizza, on s’est rappelé nos souvenirs. Ce n’était pas la plage, ce n’était pas le bord de la piscine, mais peu importe le lieu, tant qu’on est ensemble.
Parmi les 10 000 photos présentes sur mon téléphone (oui, je sais, je dois trier), j’ai un sacré nombre de souvenirs d’été. Je pourrais continuer encore et encore, à raconter nos éclats de rire, nos descentes en canoë, leur présence si réconfortante et toutes les émotions que cela vient bousculer. À chaque fois, à chaque retour, c’est la même rengaine : pourquoi rentrer, pourquoi quitter ces personnes qui me rendent si heureuse, pourquoi est-ce qu’on n’a plus 17 ans ? C’était bien, quand on avait 17 ans, qu’on passait toutes nos pauses de 10h, midi et 16h ensemble. Qu’on se retrouvait devant le lycée avant le début des cours, on prenait le bus une heure plus tard, juste pour bavarder sur le banc de devant ou au café. Tous nos week-ends ou presque, on se retrouvait pour faire la fête, dans la maison de l’un, dans une salle des fêtes, avec notre insouciance et nos folies. Alors, après une soirée sur la plage, un week-end de festival improvisé, un dîner, il y a toujours ce sentiment de vide, de quitter sa famille sans savoir quand on la reverra. Quand est-ce que nos vies à 100 à l’heure, nous permettrons de nous retrouver ?
Sarah et moi avons décidé de devenir amies durant l’été. C’était à la fin de la seconde, on était dans le grand jardin, chez Emma. Une maison magnifique, entourée de pins. Tout le monde était là, et on vivait cette soirée comme on vivait les soirées à 16 ans. Avec Sarah, on s’est dit qu’on s’aimait bien, qu’on se trouvait cool et qu’on avait envie d’être amie. C’était mutuel, drôle, une déclaration dans les toilettes, mais depuis, on ne s’est jamais quitté et c’était il y a 10 ans. Dans quelques jours, je la retrouve à Budapest, pour mon cadeau d’anniversaire. On va danser devant mon groupe de musique préféré, visiter la ville et se créer de nouveaux souvenirs d’été. Des souvenirs d’une vie.
Fin août, Mélanie et Julia viennent à Paris pour Rock en Seine, Menthine sera aussi de la partie, et on va faire ce qu’on aime le plus : boire des bières entre copines, danser, écouter de la musique et simplement profiter de la présence les unes des autres.
L’été, c’est un peu ma saison doudou. Comme si, lorsque le soleil brille, les journées durent plus longtemps et les vagues vont et viennent sur le sable, rien de bien grave ne pourrait arriver. L’été, c’est aussi le rendez-vous de ma nostalgie. Il s’y baigne des souvenirs qui ne sont plus que des images sur du papier glacé et des films qui se diffusent dans ma tête, lorsque je prends le métro. Cette semaine, je n’avais pas envie de parler d’amour, de relation, de date. J’ai valsé avec mes émotions, avec mon SPM (Syndrome Prémenstruel, celles qui savent, savent), j’ai ressenti le vide de Paris, l’absence des copains qui sont partis en vacances et j’avais seulement envie de me replonger dans mes boîtes d’été. En comptant les jours qui me séparent, pour retrouver mes faiseurs de souvenirs préférés.
Je te souhaite des souvenirs doux, des couchers de soleil sur la mer, des verres de Pina Colada ou des bières, avec les personnes que tu préfères le plus. Un été rempli de souvenirs, que tu pourras faire revivre dans ta tête, dès que le besoin se fera ressentir.
Bisous,
Lauréna