Le jour où je me suis fait pipi dessus pendant un date
La vie, certaines fois, c’est un long fleuve tranquille. C’est le printemps, les oiseaux chantent, on va courir sur les quais. L’après-midi, on se promène au musée d’Orsay, on pense que rien de bien fou ne peut venir chambouler ce samedi du mois de mai. Et puis on se retrouve à 21h30, à traverser un passage piéton à Bastille, les fesses humides, le regard alerte et quelque peu paniqué. Bienvenue dans l’histoire, du jour où je me suis fait pipi dessus durant un date Tinder. Aventure qui fait le plaisir de mes ami.e.s dès que je me mets à la raconter, anecdote qui me fait passer pour une meuf forte et qui m’a prouvé pas mal de choses, sur la vie et sur moi.
Tout a commencé sur Tinder au printemps 2021. Si tu ne te souviens pas, au printemps 2021, nous étions toujours sous couvre-feu. Les bars et les boites étaient fermés, le télétravail obligatoire, on pouvait voir ses potes jusqu’à 21h, chez eux, ou dans des parcs. Rencontrer quelqu’un n’était donc pas une mince affaire.
Un soir, je traîne sur Tinder à la recherche d’une potentielle rencontre pour pimenter cette vie Covid. Je tombe sur quelqu’un qui attise ma curiosité, on discute un peu puis plus rien. Un mois plus tard, il me réécrit. J’avais pensé : “après tout, pourquoi pas, je ne fréquente personne en ce moment, il est pas mal, je m’en fiche qu’il ait disparu pendant un mois”.
Ni une ni deux, on prévoit un date. Toujours avec cette histoire de couvre-feu, on se dit qu’on va se rendre au musée d’Orsay. Les musées ayant enfin rouvert, c’était le moment ou jamais. La veille, je dîne avec des ami.e.s et je leur parle de la flemme qui m’empare “quelle idée d’avoir accepté ce date, je n’ai aucune envie d’y aller”. Une fois sur deux, je tiens ce discours avant de rencontrer un match. La flemme du date, c’est un vrai fléau.
Le samedi, je commence ma journée par un footing (comme très souvent quand la soirée de la veille n’a pas été trop arrosée). Si ce n’est, que celui-ci, j’ai eu très chaud. Je me suis un peu déshydratée, j’ai donc beaucoup bu tout le reste de l’après-midi (tu me vois venir hein).
16h au musée d’Orsay, je vois un grand blond d’un mètre 90 arriver. C’est ma chance, la flemme est vite partie, ça peut être sympa. La visite dans le musée se passe bien, on se balade, rigole, le courant passe. Pourtant, il n’était pas disponible après, il rejoignait des ami.e.s. Je rentre chez moi un peu déçue, me disant qu’une heure de date c’est un peu court quand même. Et puis à 18h, il m’appelle, me demande si je suis toujours disponible, ce soir, et si je veux qu’on aille boire un verre, qu’il peut venir vers chez moi. Lucky me ! On se retrouve alors vers 19h30 sur les quais, à côté de Bastille. Lui une Caïpirinha et moi un pinte à la main. On parle on parle on parle, et le temps file. 21h passe, le couvre-feu, il nous faut prendre une décision. En rester là, où aller chez l’un ou l’autre pour manger un bout, boire un verre et voir où la soirée nous mène.
La décision est vite prise : acheter une pizza et une bouteille de rouge sur le trajet, et rentrer chez moi. J’habite à 10 minutes de vélo après tout. Voilà, une très bonne idée. On décide donc de se lever pour quitter les quais, et c’est là que tout se gâte.
Pour te donner toutes les informations, ce soir-là, mon cerveau s’est déconnecté. Au moment où je me suis levée, tout s’est réinitialisé, le compteur s’est remis à fonctionner et là, j’ai compris, que j’avais envie de faire pipi. Vraiment envie.
En tant que personne qui se retient régulièrement, je me dis “ok tranquille, j’habite à 10 minutes, je peux tenir.”.
On commence à marcher, à monter les escaliers vers la place de la Bastille et là, je réalise que je ne peux pas tenir. Je suis incapable de me retenir. Ça ne va pas être possible. Ça arrive. Ça arrive vraiment.
Par chance, des toilettes publiques, là, au milieu de la place. Je lui annonce un peu penaude “j’ai très envie d’aller aux toilettes je vais aller là”, en rigolant il me répond quelque chose comme “ah si tu vas dans ces toilettes là c’est que t’as vraiment envie”. Tu n’imagines même pas Jean Mich.
J’arrive devant les toilettes, j’appuie sur le bouton, ça ne fonctionne pas. Sauf que chez moi, ça fonctionne. Ça fonctionne trop bien. Ma vessie s’ouvre. J’arrive avec ma force mentale à la refermer instantanément. Mais jusqu’à quand ?
Je le regarde paniquée. Il me dit d’aller au bar en face. Bar qui était en train de fermer (toujours ce fichu couvre-feu.). Sans respirer, je lui dis de rester là, que je reviens. Je me mets à marcher, ma vessie s’ouvre encore. "Arrête de t’ouvrir, tu y es presque !!”. J’arrive au passage piéton, comme la vie c’est une escalade de situations contraignantes, il passe au rouge. Pour les piétons. J’attends, ma vessie s’ouvre. C’est officiel, je suis en train de me faire pipi dessus au passage piéton de Bastille. Moi, femme qui essaie tant bien que mal de garder la face dans ma vie, je suis en train de mouiller mon pantalon avec ma propre urine. Je crois rêver.
Le feu passe au vert pour les piétons. Je cours, j’essaie tant bien que mal de contrôler ce corps qui n’en fait qu’à sa tête. J’arrive devant le serveur qui range les chaises “Monsieur, je peux utiliser vos toilettes je suis en train de me faire pipi dessus”. Aucune idée de ce qu’il m’a répondu, je suis rentrée en trombe, j’ai descendu les premiers escaliers que j’ai trouvé. Je n’étais jamais allée dans ce bar, l’instinct n’a pas besoin d’un GPS.
Dans ma tête, tous les voyants sont au rouge “retiens toi tu y es presque !!!”, j’ouvre la porte, je descends mon pantalon, je me jette sur la cuvette. Et là, je regarde mes jambes. Je regarde mon pantalon, mon jean bleu clair, et je réalise, que ce n’est pas une petite tache. C’est une flaque. J’ai une flaque de pipi sur mon pantalon. C’est trempé. Et crois moi, il restait suffisamment de liquide dans ma vessie pour que je remercie le ciel, de ne pas avoir tout vidé sur le trajet (#Glamour, n’est-ce pas).
Ma vessie vide, j’écris à ma meilleure amie “je viens de me pisser dessus”. Elle n’y croit pas. Honnêtement, moi non plus, mais c’est plus que vrai. Je me souviens très bien de la première chose à laquelle j’ai pensé, alors que mon pantalon baissé était trempé : “j’ai deux solutions, soit je disparais, je le ghoste et je suis donc une mauvaise personne, soit j’y vais et j’assume”.
A aucun moment je me suis dis : tu peux faire croire à une fuite d’eau, tu peux faire mine de rien, ou trouver n’importe quelle excuse. Aucune imagination, je pensais vraiment avoir deux options.
Je ne te le fais pas deviner, j’ai choisi d’y aller. D’assumer. Je n’allais pas le ghoster quand même et puis au pire, si ça ne lui convient pas, tant pis.
Heureusement, j’avais une veste avec moi. Je l’ai donc mise autour de ma taille (NB depuis ce jour, j’ai toujours une veste avec moi, toujours. On ne sait pas de quoi la vie est faite). Et je suis remontée, j’ai remercié le serveur qui m’a évité une honte encore pire et j’ai retrouvé Jean Mich place de la Bastille.
J’étais un peu mi figue mi raisin, pas très à l’aise, hésitante. Je lui ai lancé un “alors je suis très très mal à l’aise en fait”, interloqué, il m’a répondu “qu’est-ce qu’il y a, tu as été malade ?”. Presque Jean Mich, presque. Au lieu de mentir, de partir en courant, de m’évanouir, de disparaître par magie, j’ai simplement rétorqué “ça ne m’arrive jamais, je ne comprends pas, mais je me suis un peu fais pipi dessus” (un peu… lol).
Il n’a rien dit. Il ne s’est pas moqué. Il ne m’a pas dit que j’étais la pire personne de la terre. Il a accueilli ça comme si c’était normal. Comme si je m’étais renversée de l’eau. Il a rendu ça normal. Et après tout, pourquoi ça ne le serait pas ?
Je lui avais proposé de remettre notre pizza à une autre fois, il m’a dit que c’était comme je souhaitais. Alors on a fait un deal : il allait acheter la pizza, je rentrais prendre une douche et on se retrouvait après. Il a même fait une blague de type “t’es pas enceinte au moins ?”. Non t’inquiètes Jean Mich, j’ai juste mal géré ma vessie.
La nuit fut bonne. Même très bonne. Le genre de nuit qui te fait oublier que quelques heures plus tôt, tu étais assise sur des toilettes, le pantalon trempé. Il n’en a jamais reparlé. On s’est revu une fois et puis pouf, il a disparu, comme de nombreux dates Tinder.
Mais à la différence des autres, il m’a laissé quelque chose de plutôt sympa : le souvenir, l’expérience. On peut se faire pipi dessus et pourtant, prendre son pied avec un presque inconnu. Et d’ailleurs, on peut se faire pipi dessus et ne pas se ridiculiser, quand on le dit à haute voix, à son date.
J’ai raconté cette histoire le plus souvent que l’occasion s’est présentée. Les premières fois, je riais, j’essayais de me rendre moins ridicule, de rendre tout ça moins ridicule. Maintenant, je le dis et l’écris avec une totale décontraction : je m’appelle Lauréna et à 25 ans, je me suis fait pipi dessus à 21h30 place de la Bastille devant le mec avec qui j’avais très envie de coucher.
Et c’est ok. Ce sont des choses qui arrivent. C’est la vie, pleine de surprise, pleine d’incohérence. C’est aussi le corps, qui des fois n’en fait qu’à sa tête. C’est la vraie vie.
Et l’avantage, c’est qu’on peut rarement faire pire. Donc chaque situation un peu malaisante est finalement, très facile à vivre maintenant !
Bisous,
Lauréna