Si tu t’attendais à lire comment je drague dans la file d’attente du bar en festival, je suis désolée de te décevoir, le sujet du jour peut paraître moins joyeux. Il y a quelque temps, une ancienne collègue journaliste a publié une story. Elle cherchait des témoignages de personne chez qui le confinement et le Covid ont eut un fort impact. Si tu me connais un tantinet, tu vois très bien où je veux en venir.
Lorsque j’ai lu mon histoire à travers ses mots, j’ai trouvé ça étrange. Je n’avais jamais vraiment écrit là-dessus, pourtant, ça fait deux ans. Une copllègue m’a dit que je devrais, que cela pourrait intéresser, que quelqu’un qui vit une situation similaire pourrait se sentir moins seul‧e. Alors je me suis lancée, et la création de cette Newsletter, était aussi l’occasion de mettre mes mots, sur tout ça.
Ça aurait pu être n’importe quoi : sa présence dans le lit, le contact avec sa peau, sa manie de laisser traîner ses chaussettes par terre, les poils du chat, sa façon de mâcher. Mais ça a été les bruits de ses pas sur le parquet. Il faut dire que vivre avec quelqu’un, enfermé, dans 36 mètres carrés, vivre une routine similaire, chaque jour, peu importe la température extérieure, peu importe le jour, les envies… Se réveiller, petit-déjeuner, télétravailler, faire une pause-déjeuner devant Netflix, télétravailler, une heure de yoga, douche, cuisine, Netflix, dormir, recommencer, encore, encore, encore. Pendant 61 jours (j’ai compté), c’est compliqué. Très compliqué.
J’ai un immense respect pour les couples qui ont réussi, qui ont passé cette étape avec brio. Ceux qui, au déconfinement, me regardaient avec un grand sourire et disaient « ah nous ? Impeccable, comme sur des roulettes, on a picolé, on a ri, on a fait l’amour et c’est passé vite ». Oh quelle chance.
Je savais, au plus profond de moi, que ce serait une épreuve. Ce ne serait pas un printemps habituel, ce ne serait pas simple, ce ne serait pas beau. J’ai hésité. Quand le Président a annoncé un confinement national, j’ai sérieusement pensé faire ma valise, rentrer chez mes parents, vivre à leur rythme, redevenir une adolescente et passer ce temps loin de la réalité. Mais une voix dans ma tête m’en a empêché. Celle de la raison, celle du challenge, celle qui savait que je devais vivre ça, pour grandir, pour avancer, pour devenir adulte, peut-être. Cette voix qui m’a dit « tu es en couple. Tu ne peux pas le laisser. Tu as des engagements à respecter ». Depuis quand un appartement en location et un chat, sont des engagements ?
Le premier lundi m’a rappelé mon instabilité émotionnelle et ma non-capacité à gérer mes angoisses (merci la thérapie d’avoir soigné tout ça). J’étais dans la cave, démunie, au téléphone avec mon père, pleurant toutes les larmes de mon corps et répétant que je n’allais pas y arriver. Comment on est censé vivre enfermé avec quelqu’un qui nous rend malheureuse, même si on ne se l’admet pas vraiment ?
Je me suis lancée dans une relation longue et sérieuse, a à peine 18 ans, sans rien connaître. Ni de moi, ni de la vie. Je fermais les yeux sur mes réels désirs, sur mes envies, et je me suis simplement laissée bercer par l’illusion que la vie à deux, c’était ça. On se suffit, on accepte, on croit aimer… Jusqu’au jour où Emmanuel Macron prolonge ce confinement qui devait initialement durer 2 semaines. Et le prolonge une fois de plus. Resserrant de plus en plus l’étau, la pièce, accentuant la proximité, et augmentant, jour après jour, toutes les choses qui ne vont pas.
Dans cet appartement aux grandes fenêtres et aux cheminées dans chaque pièce, il y avait du parquet ancien. Ça m’a tout de suite charmé, lorsqu’on l’a visité. Chaque personne ayant vécu dans un logement au parquet ancien, sait très bien, qu’il n’est pas livré avec la discrétion. Il y avait, à l’entrée de la chambre, une partie du parquet qui grinçait beaucoup. Un bruit désagréable, un bruit qui fait écho dans le calme de l’après-midi ou de la nuit. Une toute petite zone, qui peut être évitée. On peut marcher sur le côté, faire un pas plus grand, et ainsi ne pas produire cette symphonie de l’enfermement, qui souligne que la vie dehors n’existe plus, du moins pour ce printemps. Jour après jour, cette mélodie prit toute son importance, parce qu’elle était tout. Elle était le bruit qui te ramène à la réalité, le son de l’autre, la présence, l’enfermement. Comme une goutte d’eau qui rappellerait aux habitants la fuite dont il faut s’occuper, ce grincement de parquet était le tic toc de l’horloge de mon départ. Il m’indiquait, inlassablement, que je devais fuir.
Quand tu ne supportes plus le bruit des pas de l’autre, c’est qu’il est temps de se regarder en face.
Pour mille raisons, cette relation ne me convenait plus. Il y avait l’affection manquante, nos caractères opposés, son goût inexistant pour les voyages qui sont tout ce que j’ai toujours voulu dans ma vie. Il est casanier là où je suis une véritable vagabonde. Et il ne m’aimait pas, comme je voudrais, un jour, que l’on m’aime. Avec la passion, avec le café au lit, les douces attentions, les mots, le soutien, les mains tendues. Voilà plusieurs mois déjà, que je fuyais notre chez nous, comme pour fuir la relation, sans vraiment réussir à le faire. Plusieurs mois que je n’étais plus heureuse, sans accepter la fatalité, l’échec, sans partir.
Alors, comme tout un chacun, comme ceux qui ont décidé de quitter Paris pour devenir fleuriste au bord de la mer, ce confinement était l’occasion de me retrouver face au mur. Il n’y avait rien. Il n’y avait aucune échappatoire. Les soirées entre ami‧e‧s n’étaient plus là, les cours de sport plusieurs fois par semaine, les afterwork, les week-ends chez les parents. Tout ce qui m’avait empêché de me regarder dans un miroir et d’accepter la réalité, n’était plus. Il n’y avait que lui, moi et le fossé qui ne cessait de se creuser entre nous.
Les jours sont passés, les nuits, les semaines, les mois.
Et puis, il y eut ce matin-là. Je ne me souviens plus, des mots échangés, des non-gestes, de ce qui m’a amené à vivre cette scène digne des meilleures romances Netflix. J’étais dans la salle de bains, des larmes brillaient sur mes paupières. Je me suis regardée droit dans les yeux, dans le miroir, et j’ai simplement dit ou pensé, je ne sais même plus « maintenant, tu as deux options. Soit tu acceptes d’être malheureuse toute ta vie, soit quand tu peux sortir, tu le quittes. Et tu apprends à être heureuse seule. ».
Le dimanche suivant, premier week-end de libération, après avoir passé 24 heures avec mes meilleures amies, m’être fait coacher, avoir respiré l’air extérieur, foulé le sol de la ville, avoir retrouvé la vie, j’ai pris un Uber pour me rendre chez nous, mettre un terme à une relation de six ans, pleurer très fort, prendre ma valise et retourner chez mon amie.
Je me souviendrais toujours de la morve et des larmes dans mon masque, dans le Uber. De ce sentiment de vide, quand tu termines une histoire qui avait pris toute la place dans ta vie, tout ton espace, mental, physique. Tout ton quotidien.
Ça fait deux ans. Deux ans, c’est une belle période pour se reconstruire. Apprendre à vivre seule, à écouter ses envies, à rencontrer différents hommes, à replacer la sororité au cœur de tout, changer de job, aménager un appartement (le premier à moi), voyager seule, suivre une thérapie, lire beaucoup de livres sur l’amour, le féminisme, les relations… et finalement, apprendre à s’écouter, à s’aimer, à exprimer ses émotions, prendre du temps pour soi et peut être, un petit peu, finalement, devenir adulte.
Il n’y a pas d’âge pour apprendre tout cela. Chez moi, 24 ans, c’est là que tout a commencé. La vie, c’est peut-être une suite de chapitres : il y a eu l’enfance, le divorce, le collège, le lycée, cette relation et puis il y a cette vie de jeune adulte à Paris. Il y aura certainement d’autres relations, peut être d’autres villes, d’autres pays, un autre métier, d’autres amours. Mais à partir de maintenant, il y aura surtout de la bienveillance, de l’écoute de soi-même, de l’attention.
Quitter quelqu’un, est certainement la chose la plus difficile que j’ai faite. Voyager seule, enregistrer des podcasts, déménager en à peine quelques semaines, dater des inconnus, tout ça, c’est juste de l’adaptation. Fake it until you make it, comme on dit. Mais quitter quelqu’un avec qui tu partages ta vie depuis six ans, c’est faire du mal à l’autre, c’est prendre un risque, sauter dans le vide, accepter que l’on vaille mieux que ça et finalement, s’écouter soi-même. Peut-être pour la première fois de ma vie. Tout semblait nouveau, tout semblait possible, à partir de ce moment-là.
Alors quand ma copllègue me dit que ça peut être utile pour d’autres personnes, j’ai simplement envie de dire : si tu es malheureux‧se pars. Si cette relation te rend triste, pars. S’il ou elle ne t’aime pas comme tu aimerais qu’on t’aime, s’iel te fait te sentir mal, si ses paroles te blessent, si ses gestes ne sont pas assez doux, pas assez réconfortant, s’iel n’entend pas quand tu lui parles, n’écoute plus, si tu pleures dans la salle de bain car tu ne supportes plus le bruit de ses pas sur le parquet, pars.
Fais-toi passer en priorité. Tu y arriveras, j’y suis arrivée, tu y arriveras. Vivre seule ce n’est pas être la femme à chat, qui pleure sur son canapé en attendant le prince charmant. Ça peut être ça, mais ça peut également être tout autre chose. Ça peut être la porte ouverte à tellement de belles expériences, comme ça l’a été pour moi. Et quoi qu’il arrive, tu n’es pas seule.
J’en profite pour faire une micro cérémonie des Oscars et remercier le village qui m’a soutenu, écouté, fait danser. Qui a chaque jour mis des paillettes dans mon quotidien, pour rendre cette transition la moins brutale possible. Être entourée, c’est la chose la plus précieuse que j’ai. Alors big up à vous, vous êtes le sang comme on dit. 💯
Bisous,
Lauréna
En couple, célibataire, peu importe, je te conseille de lire Rupture(s), un essai qui m’a beaucoup touché et dont j’ai surligné de nombreuses pages. Un livre qui aide à rendre les ruptures, pas seulement amoureuse, moins déchirantes.
❤️