Je ne sais jamais choisir le lieu de mes dates
De nombreuses choses pourraient me stresser face à un premier date. Il pourrait s’agir de l’homme en face, sera-t-il vraiment aussi cool que l’image que je me suis faite de lui ? Ressemblera-t-il à ses photos ? Quelle taille fera-t-il ? Et s’il est mal habillé ? Et s’il ne sent pas bon ? Mais également de moi, vais-je être à la hauteur ? Est-ce que je vais renverser un verre, dire une ânerie, postillonner ? Peut-être qu’il sera pro-Zemmour, ou qu’il aura un avis bien tranché sur les vegans ? À tout moment, il n’aime pas la musique, les voyages, ou il aura quelque chose entre les dents et je n’oserais pas lui faire remarquer…
J’adore les premiers dates autant que je les déteste. J’adore l’idée de rencontrer quelqu’un de nouveau, de jouer un peu avec mes cheveux, passer en mode midinette qui veut conclure. J’aime aussi les longues conversations, découvrir une infime partie de la vie de quelqu’un. Ce moment où on se rend compte qu’on était au même concert, qu’on a la même haine contre la tarte aux pommes ou qu’on a visité le même village du Lot-et-Garonne. Néanmoins, je déteste les premiers dates, parce que j’ai toujours la flemme et surtout, parce que 90 % du temps, les hommes pensent être sympas en me disant “choisis l’endroit”.
“Je te laisse choisir l’endroit où on se retrouve”. Il suffit donc d’une toute petite phrase, pour déclencher une avalanche de stress dans mon corps. Pourtant j’ai grandi. Je sais me comporter en adulte. Je n’ai plus besoin d’envoyer cinq propositions de tenues à mes copines pour qu’elles m’aident à décider dans laquelle je serai la plus mignonne. Je n’ai pas non plus besoin, de réfléchir à des sujets de conversation, car les blancs pourraient m’effrayer. Je sais ce que je vaux, je sais qui je suis, je sais comment plaire, séduire, mais aussi comment être séduite. Si faire un premier date n’est plus une épreuve insurmontable, comme ça a pu l’être à 17 ans, il y a encore dans tout ceci, une petite partie, qui me donne des frissons : choisir le lieu.
Je ne sais pas choisir le lieu de mes dates. C’est tout. Il n’y a pas trente façons de le dire, c’est simplement le cas. Quand je vais avoir un premier rendez-vous avec un homme, que l’on ait matché sur Bumble ou que l’on se soit rencontré dans un bar, le choix du lieu de notre rencontre ou de nos retrouvailles, sera systématiquement source de stress. Du moins, quand c’est à moi de prendre la décision. Et va savoir pourquoi, c’est presque tout le temps de mon ressort !
Quand on convient de l’heure de notre date, je redoute tellement la phrase "je te laisse choisir le lieu". J’essaie toujours de trouver des subterfuges "tu habites dans quel quartier ?", "tu ne viens pas à Paris souvent, je te laisse choisir un coin qui te plaît", "quel est ton endroit préféré de Paris ?”. Et très fréquemment, les réponses des messieurs sont quelque chose comme "non mais je te laisse choisir, on va où tu veux". Mais justement ! Je ne sais pas où je veux aller !!!!
C’est faux. Enfin c’est vrai. Mais c’est aussi un peu faux. Je sais où j’aime aller. Je connais de bonnes adresses. Je connais des adresses plutôt cool même. J’ai même une liste Google Maps et Mapstr (on n’en a jamais trop) qui se nomment “date”. Une partie de mon job consiste à écrire sur les restaurants, rooftop et autres adresses un peu trendy de Paris. Dès lors, quand mes potes veulent manger un bout ou boire un verre, j’ai toujours mille propositions. Ma boss me demande souvent si je n’ai pas un restau à lui recommander pour dîner. Pourtant, quand un Jean Mich me propose de choisir le lieu, je vois flou.
Ce n’est pas une expression. Je vois littéralement flou. Je commence à paniquer et je me prends une avalanche d’émotions en pleine poire. J’ai envie de m’enrouler dans ma couette tel un burrito, de hurler “on annule tout” et de rester là, à fixer le plafond.
Dans cette optique (toujours elle) d’agir comme une adulte, de sortir de ma zone de confort le plus souvent possible, je n’opte jamais pour la technique du burrito. Non, j’envoie un message à ma meilleure amie “tu n’aurais pas une adresse pour mon date”. Elle me conseille généralement des lieux qui sont dans mes listes, des lieux que j’aurai pu, moi, comme une grande, choisir. Et c’est parti, un peu de parfum, du rouge à lèvres, retrouvons-nous.
Choisir un bar me génère du stress. Je le sais. Je sais aussi très bien pourquoi. J’ai conscience des émotions que ça vient bousculer. Pourtant, j’adore les bars. J’adore faire des dates, ça m’amuse et quelques fois, ça offre de très belles surprises. Oui, certains cas sont boring, ne finissent pas toujours bien. Mais globalement, je touche du bois, j’ai eu des dates qui donnent envie d’en avoir d’autres.
Quand il est question de choisir le lieu de rencontre, ça se gâte, comme si ce choix allait tout définir. Récemment encore, je devais retrouver un match et, j’ai une nouvelle fois, quelque peu paniqué.
J’ai commencé à réfléchir : “il y a ce bar à Belleville où j’aime bien me rendre le dimanche après midi. La terrasse est grande, le coucher de soleil peut y être sympa. Sauf qu’il s’appelle Mon Coeur Belleville. Je n’allais pas proposer un bar qui s’appelle Mon Coeur. Quelle image ça donne ça ? Il va peut-être se dire que je veux du sérieux, que je mets la charrue avant les bœufs, ou je ne sais quoi. Ce bar-là est cool, la lumière y est tamisée, mais à tout moment, il va trouver l’ambiance trop intime, ça se trouve, lui, il veut quelque chose de plus chill. Il y a ce bar aussi, qui est bien, mais il a un style un peu trop PMU. Peut-être qu’il veut du chic ? Et sur cette place-là, j’adore c’est à côté de chez moi, mais pour commander un verre, il faut aussi prendre à manger, il n’aura peut-être pas faim. Ou il ne voudra pas s’éterniser. Ce rooftop est cool, mais c’est cher. Moi, ça ne me dérange pas, le mec a l’air sympa, mais à tout moment, il va râler en lisant les prix sur la carte. Imagine, imagine cinq minutes, il râle en lisant les prix. Oh l’enfer. Ou imagine, imagine cette adresse que j’aime tant, il n’y a pas de places. En plus on ne peut pas réserver. Ou alors, il n’y a pas de terrasse, ou la terrasse est pleine, ou je ne sais pas. Et peut-être qu’il va détester. Peut-être qu’il va se dire que je ne vaux rien, ou que je ne sais pas choisir un bar, si je ne sais pas choisir un bar, ça veut dire quoi de moi…”
Voilà. C’était un aperçu de ce qu’il se passe dans ma tête, quand on me dit “on va où tu veux”. Ça donne envie, n’est-ce pas ?
Choisir une adresse, ça implique un peu le thème de la soirée. J’ai déjà eu un date dans un restaurant italien de famille, où il n’y avait que deux tables occupées pendant le service. Durant tout le dîner, le serveur a écouté notre conversation. Il nous a zieuté. J’avais l’impression d’être le personnage principal d’une pièce de théâtre, c’était mignon… mais étrange, donnez-moi de l’intimité, mais pas trop s’il vous plait. La fois où j’ai fait un date sur les quais, je me suis fait pipi dessus. Je suis une grande fan des pique-niques, mais maintenant, je ne peux plus boire une bière sereine quand je ne sais pas où sont les toilettes les plus proches (Hello trauma my old friend). Une fois j’ai invité un mec que je trouvais très chouette dans une pizzéria de mon quartier que j’aime beaucoup et il y a sois disant vu une souris. Qu’est-ce que je suis censée faire après ça moi ? Comment je peux faire un choix, alors qu’un lieu dans lequel j’avais totalement confiance, a fait virer le visage du mec que je voulais ramener chez moi, de rose vivant à blanc je-veux-prendre-mes-jambes-à-mon-cou ?
Désormais, j’essaie d’être très transparente là-dessus. Je ne dis pas aux hommes que je rencontre que le choix me donne complètement envie d’annuler le rendez-vous, mais j’explique ma difficulté face à cette action. Je passe pour la meuf un peu chiante et indécise, mais au moins, j’essaie d’enlever cette petite pression de mes épaules toutes frêles. Et puis, j’ai bon espoir que les futurs dates qui liront cette newsletter auront saisi le message !
Enfin, non, parce que malgré l’anxiété que cela peut provoquer, il faudrait que je quitte ce cercle infernal. Prochain défi personnel donc, pour ressortir encore de ma zone de confort : choisir le bar de mon futur date sans faire appel à la terre entière, hurler dans un coussin et chercher toutes les excuses du monde pour annuler. On verra si ça marche !
Bisous et bon date dans un bar cool ou non,
Lauréna
P.s : je prends toutes vos bonnes adresses de bar où conclure le match, afin d’avoir de quoi faire, si je me remets à vriller quand on me dit “on va où tu veuuuux”.