Pendant de longues années, je pensais que pour rentrer dans le cabinet d’un psychologue, il fallait avoir un vrai problème. Une dépression, des troubles du comportement alimentaire, avoir vécu un événement terrible, aller vraiment très très mal. Je classais alors les problèmes, par ordre de gravité, sans vraiment savoir que la santé mentale, varie selon les personnes, selon le cours de la vie. Et qu’un problème que j’aurais qualifié de petit, pouvait être très encombrant au quotidien. S’en occuper, aller en parler, pour le comprendre et le régler, c’était une sacrée étape et une belle preuve d’amour de soi. Peu importe la gravité de la situation, c’est très souvent une bonne décision d’aller voir un psychologue.
Un mardi de février 2021, en début d’après-midi, je me suis rendue à une adresse inconnue, à seulement 5 minutes de marche de chez moi. J’ai tapé le premier code, sonné à l’interphone, et j’ai pris l’ascenseur. En traversant le couloir, j’ai hésité à partir. Qu’est-ce que je fais là ? Je n’ai pas de vrai problème. J’ai sonné à une porte, et une femme très charmante m’a ouvert. Elle avait l’air normale. Elle avait aussi l’air gentille. Elle m’a salué, m’a fait entrer dans son cabinet (le salon de son appartement, d’après mes déductions) et m’a proposé de m’asseoir sur un fauteuil jaune. Sur le mur, en face de moi, se trouvaient des peintures représentant la mer.
Le jour où j’ai décidé d’aller voir une psy, je mettais sentie un peu vide. Ça faisait six mois que j’avais quitté six ans de couple, et j’avais recommencé à dater. J’avais vu ce mec mignon, plutôt réconfortant, qui savait bien manier les mots. Disons qu’en très peu de temps, il avait un petit peu fait battre mon cœur. Il a fait ce qui arrive 90 % du temps sur les applications de rencontre : il m’a sorti ses meilleures disquettes. Aujourd’hui, je sais les repérer, mais à ce moment-là, le cœur d’artichaut qui sommeille en moi prenait toute la place, alors forcément, j’ai bu ses paroles et je nous voyais déjà nous marier dans un vignoble du sud de la France (ou presque). On s’est fréquenté très brièvement, de façon casual, et lorsqu’il a commencé à être de moins en moins disponible, et qu’il a fini par me ghoster, j’ai vrillé. Ne va pas croire que je l’ai harcelé, je n’ai pas rodé dans son quartier et je n’ai pas sonné à son interphone pour avoir une confrontation. Mais simplement, j’ai commencé à beaucoup y penser. A relire nos messages, à écouter de la musique triste en me demandant pourquoi il ne m’écrivait plus. Je lorgnais les vues de mes stories Instagram avec l’espoir d’apercevoir son pseudo, je scrutais la moindre nouveauté sur son profil. Bref, tout partait à vau-l’eau (un peu chaud d’assumer tout ça, on va pas se le cacher). Ça me rappelait un petit peu trop l’instabilité émotionnelle de mes 16/17 ans. Et à aucun moment, je ne voulais replonger dans les méandres de mon adolescence.
Alors j’ai fait ce que mes amies faisaient, ce qui me semblait être (et ce qui a été) la meilleure option : j’ai tapé “psychologue 11e” sur Doctolib, et j’ai effectué un benchmark. J’ai choisi, par le hasard ou non, une personne qui me correspondait totalement et je sais, à quel point il est difficile de rencontrer le bon psychologue, celui en qui on aura confiance et qui nous fera du bien. J’ai surnommé la mienne Cécé, et elle a gagné la chance d’écouter mes drama, car elle avait une description un peu personnalisée, elle parlait des émotions, et les photos de son cabinet affichaient des peintures de la mer. Ma théorie : quelqu’un qui a des représentations de l’océan chez lui, est forcément quelqu’un de bien.
Quand je me suis installée sur le fauteuil jaune, elle m’a demandé comment j’allais. J’ai répondu “bien”, qu’est-ce qu’on est censé répondre à ça ? Elle a enchaîné sur la raison de ma venue. Et là, j’ai été mal à l’aise. J’ai tortillé mes mains, j’ai fui son regard, et je lui ai dit “je crois que j’ai un problème avec les garçons.”. Et la machine était lancée.
Dans les faits, c’était un peu plus compliqué que ça. Heureusement. C’est à force de me rendre sur ce fauteuil jaune, que j’ai compris où est ce que ça pêché. Ce n’étaient pas réellement les garçons, c’était le besoin d’affection, d’être aimé, le manque de confiance en soi, la difficulté à s’affirmer, la peur de décevoir, l’habitude de toujours faire passer les autres avant soi, la culpabilité (quelle connasse celle-la).
Je n’étais jamais allée voir une psychologue avant Cécé. Au lycée, quand j’enchaînais les crises d’angoisse, sans raison apparente, ma meilleure amie m’avait indiqué que cela ne pourrait que me faire du bien. Mais comment appelle-t-on à l’aide à 17 ans, quand on ne sait pas vraiment mettre les mots sur nos maux (eh oui, je l’ai osé, elle était facile). A 25 ans, c’était plus simple, parce que ça ne regardait que moi.
J’ai dit fièrement à mon groupe de meilleures amies que j’avais des rendez-vous avec Cécé. En dehors, c’était plus compliqué. Je justifiais mon départ plus tôt du bureau par des rendez-vous médicaux. Des rendez-vous médicaux toutes les deux semaines, c’est suspect quand même. J’ai mis plusieurs mois avant d’assumer pleinement que oui, je suivais une thérapie. Marilou m’a un jour raconté, que sa mère lui avait toujours défendu l’importance de la santé mentale, “c’est comme aller chez le dentiste, mais pour la tête” m’avait-elle répété. C’est vrai après tout, pourquoi est-ce que c’est ok d’aller chez le dentiste, l’ophtalmologue, l’ostéopathe, mais pas chez la psy ? Elle aussi, nous soigne, nous fait du bien, nous remet en morceau.
Après chaque séance, je notais mon ressenti. J’ai un très long brouillon dans mon téléphone, qui débute en février 2021 et se termine en octobre de la même année, où j’ai résumé toutes les 45 minutes passées sur ce fauteuil jaune. Les moments forts, mes questionnements, les punchlines de ma psy. Quelques fois, j’ouvre ce “journal d’une thérapie” et ça me revient. C’est aussi une bonne lecture pour lutter contre les coups de mou.
Avec Cécé, j’ai (re)découvert ma zone de confort. Au tout début de la thérapie, c’était une boîte en carton riquiqui. J’avais peur de tout. Peur de ne pas être assez bien pour les hommes que je croisais. Peur de prendre de la place, mais aussi, de prendre ma place. Je me suis toujours cachée, derrière ma relation, derrière les amies qui étaient plus extraverties. Et j’aimais bien, être the girl next door, celle qu’on ne remarque pas forcément. Mais qu’est-ce que c’est frustrant ! Après quelques séances, j’ai commencé à élargir cette zone. Avec mes petits bras, qui poussaient les murs. Mes jambes, qui essayaient de créer de l’espace. Jusqu’à ce que la boîte en carton grandisse suffisamment, pour que les détails de la vie ne soient que ça, des détails. Ajouter de l’insignifiant au quotidien et simplement comprendre, que ce n’est pas si grave. Ce n’est pas grave de ne pas dire ce qu’il faut, d’avoir l’air ridicule, d’essayer, de se tromper. On se remet de tout. Mais par contre, qu’est-ce que c’est enrichissant, d’oser.
Cécé m’a fait voyager au fil des années, et ce n’était pas toujours simple. Elle m’a fait rendre visite à la petite Lauréna ; pour faire sortir mes émotions, j’ai dû serrer une serviette (coucou la meuf ne sait pas exprimer sa colère, mais tout va bien). Il y a même eu cette fois, où j’ai payé 45 minutes de séance chez la psy, pour faire 30 minutes de méditation. Crois-moi, ça fait cher l’inspiration-expiration !
On a parlé de mon besoin d’affection, de ma vision du couple, de mes précédentes relations. Et puis j’ai compris. Avec des “mais est-ce qu’il vous plaît parce qu’il s’intéresse à vous, ou parce que vous l’aimez vraiment bien ?”, ou des “la culpabilité elle vient vous empêcher de faire ce qui est bien pour vous”, le cheminement s’est fait. Parmi ses meilleures punchlines, il y a aussi eu le jour où elle m’a expliqué que je ne pouvais pas avoir les avantages du couple sans les inconvénients (ah bon ?) ou encore son “vous avez soif d’amour” (yes, tout ça, c’est à cause de Love Actually).
Le jour où je lui ai expliqué, que j’avais mis un peu trop de temps avant d’avoir le cran de quitter mon ex, alors que j’avais été malheureuse, elle m’a regardé droit dans les yeux et m’a félicité. C’est étrange quand une inconnue te dit bravo, “bravo d’être partie, de t’avoir écouté”. D’avoir écouté ton bonheur. La fois où je lui ai raconté mon histoire du date où je suis fait pipi dessus, son regard était fier. Elle a rigolé, elle m’a dit que j’avais montré qui j’étais, comme je suis et “si les autres n’aiment pas et bien tant pis”. Je n’aurais jamais assumé cette histoire, sans les petites séances du mardi.
Entre février et octobre de 2021, je crois que j’ai un peu step-up dans ma vie. J’ai appris à gérer cette culpabilité, ce besoin absolu de satisfaire tout le monde. J’ai aussi compris, qu’il n’était pas l’heure pour moi de débuter une relation de couple, puisque mes bases personnelles étaient toujours sens dessus dessous. Mais c’est ok. Que je pouvais prendre de l’espace, vivre sans stresser pour le moindre détail, oser de nouvelles choses, parler aux autres, être moi-même et emprunter la direction qui me donne envie, et non celle qui me semble la plus raisonnable.
Ecris comme ça, on dirait que tout a été rose. Non, non, loin de là. J’ai quand même fait un sacré mental breakdown, la séance où elle m’a demandé “vous avez déjà entendu parler des relations d’emprises ? Parce que ça y ressemble beaucoup”. Mais elle a été la béquille nécessaire, pour avancer dans ce nouveau quotidien et prendre sa place.
En octobre, on s’est regardé dans le blanc des yeux, et on n’avait plus rien à se dire. Je menais ma barque depuis plusieurs mois, sans stress, et j’étais plutôt ok avec le cap qu’elle prenait. Alors on s’est dit au revoir, j’ai largué ma psy, ou elle m’a largué, mais c’était d’un commun accord. On s’est observé avec émotion, fières toutes les deux, de ces quelques mois passés à se côtoyer. Elle m’a souhaité bonne chance pour la suite, et j’ai eu la sensation de sauter dans le vide.
A pieds joints dans un grand bassin, pour la première fois de ma vie, avec les capacités de vivre comme je le voulais. En partant, je lui ai indiqué que je n’avais plus peur. J’étais prête à avancer, oser, me prendre les pieds dans le tapis, tomber, souffrir, mais me relever. Car je savais, je sais, que j’ai les capacités pour avancer, vivre comme je l’entends. Sans avoir à ne satisfaire personne, peut-être d’une façon un peu plus égoïste, mais avec sérénité, en mettant du bonheur dans mon quotidien et sans voir mon coeur se meurtrir dès qu’un homme passe le pas de la porte.
Suite à ça, j’ai clairement fait la propagande de la thérapie. Parce que ça fait du bien ! Quand on ressent le besoin de parler à quelqu’un, de mettre ses peines à plat, de vider les boîtes qui prennent la poussière sous notre lit, c’est bien d’aller voir quelqu’un dont c’est le métier. Bien sûr, que les motifs peuvent sembler futiles. “Avoir des problèmes avec les garçons” ça m’a toujours semblé plus qu’anodin, mais c’est simplement la partie immergée de l’iceberg.
Un jour, j’enverrai très certainement cette Newsletter à Cécé, pour la remercier et lui confirmer que je n’ai plus peur de parler, de m’affirmer, de me montrer moi-même et de m’exposer aux regards des autres. C’est son métier, et avec toutes nos séances, j’ai certainement participé à la construction de la piscine de sa maison de vacances (du moins, c’est ce que je me disais en voyant le virement sur mon compte bancaire.), mais elle a, avec son écoute et ses conseils, participé à la construction de mon épanouissement et de mon bien-être dans la vie. Et je crois que ça, ça n’a pas de prix.
Je te souhaite de te réveiller le coeur léger, de vivre comme tu l’entends, sans culpabilité, sans emprise et sans stress. D’oser faire ce qui te plaît, ce qui t’anime. Une vie douce, qui suit la route qui te fait envie.
Bisous,
Lauréna
❤️🌺😘