Je dois avoir 5 ans sur la photo, mais mes albums sont restés dans le sud… Ça te donne une idée.
Je devais avoir 7 ou 8 ans, le jour où j’ai mis dans ma tête que le corps d’une femme était ou n’était pas, un objet de désir pour les hommes.
Il s’appelait Paul, il était en CM2. C’était le garçon le plus beau de l’école (avec toute mon objectivité). Il était blond, coupe au bol, il avait un sourire à faire ravager le cœur de toutes les filles. Je pense même, qu’il ressemblait à un prince Disney. Ou au mari de Barbie. Enfin, dans ma mémoire, il était une lumière au milieu de l’enfance, le prince qui vient sauver la demoiselle en détresse. Le prince qui allait me sauver.
Moi, j’étais déjà la plus grande de ma classe, surnommée "géant vert". Brune aux yeux marron (ou couleur caca comme disent les enfants de 8 ans), toujours le sourire aux lèvres, des sourcils plutôt épais, et un doux mélange de timidité et de besoin d’être vu.
C’était la mode de Diddl et des carnets à remplir. Avec les copines, on ne connaissait pas encore le respect de la vie privée. Alors on se prêtait ces carnets. Dans l’un d’eux, j’avais noté de ma plus belle plume, que j’aimais Paul. Aussi simple que ça. Comme on aime à 8 ans : pour le sourire, la popularité et la blondeur du cheveu. Ma meilleure amie de l’époque avait lu cette petite phrase "Mon amoureux c’est Paul mais je crois qu’il ne m’aime pas". Ni une ni deux, une après-midi de printemps, Paul a eut vent de ce coup de cœur d’écolier.
Si on était dans une comédie romantique, on se serait retrouvé à la récré, entouré de tous nos copains, il m’aurait dit que j’étais son amoureuse, les copains auraient hurlé "un bisou ! un bisou !" (on l’aurait fait, le bisou et il y aurait eu un feu d’artifice). On se serait tenu la main sous les platanes, on aurait échangé des billes et, en grandissant, j’aurai raconté comment mon premier amour était une version cheap de Ryan Gosling et comment il a mis dans ma petite tête que j’étais la plus belle. Ça, c’est si la vie était un film de Richard Curtis (le réalisateur de mon film de love préféré Love Actually, tmtc), mais désolée de te décevoir cher lecteur, dans ma vie, la production n’est pas hollywoodienne et elle n’a pas de budget. Aucun feu d’artifice n’a été tiré, on m’a volé mes billes, les platanes m’ont provoqué des allergies, et Paul, il ne ressentait pas une once d’affection pour celle que j’étais.
Au lieu de ça, un jour, dans la queue de la cantine, il a ouvertement dit devant tous nos camarades de classe - à savoir, les 20 personnes avec qui j’avais passé toutes mes journées depuis la maternelle, puisque tout ceci se passe dans une école primaire d’un tout petit village du sud de la France - qu’il ne m’aimait pas. Que je n’étais pas belle. Qu’il ne m’aimerait jamais. Ou quelque chose comme ça. Aïe, ça fait mal.
C’est le premier souvenir de rejet que j’ai. Un sentiment de ne pas être assez. Assez jolie, assez populaire, assez forte en sport, assez acceptable. J’aimerai tant te dire que ce sentiment s’est dissipé en quittant l’école primaire, en grandissant. Mais on ne serait pas là, moi à écrire ces mots dans le métro, toi à les lire, si c’était le cas.
J’avais 8 ans, et je voulais plaire à Paul, mais pas seulement, parce que des Paul j’en ai eu toutes les semaines. Des crush je continue d’en avoir toutes les semaines. Non, je voulais plaire aux garçons. Je voulais être acceptée par le sexe opposé. Je voulais qu’ils m’aiment, qu’ils me trouvent belle, qu’ils veulent me tenir la main. Et ce petit événement dans la queue de la cantine, aussi insignifiant qu’il puisse sembler, était là, le début d’une vie à courir après quelque chose, qui ne s’obtient pas. L’acceptation des autres, avant l’acceptation de soi.
Aujourd’hui, je n’ai plus 8 ans. Fort heureusement ! Du haut de mes 26 ans (est-ce beaucoup ? Est-ce trop peu pour se lancer dans une newsletter dédiée à ses propres histoires ? Je ne sais pas), j’ai enfin appris à m’accepter. Tu sais, cette phrase qu’on répète incessamment aux personnes célibataires "il faut s’aimer soi-même pour pouvoir aimer quelqu’un et blablabla", je ne sais pas si elle est bien vraie. Je ne sais pas si c’est bien correct de la dire d’ailleurs. Mais à titre personnel, je crois que j’en suis là. Et la route n’a pas été simple.
Ne crois pas, qu’un matin, je me suis réveillée et je me suis dit "ok maintenant ça suffit, on arrête de courir après des mecs qui ne s’intéressent pas à nous. On se recentre sur ce qui nous fait du bien". Aucune marraine la bonne fée n’a débarqué pour me guider vers une vie douce et épanouie, où je me fais passer en priorité.
D’abord, ça a été les montagnes russes émotionnelles. Le Big Bang du cœur. Les larmes à répétition. Les mains moites avant chaque date. Les messages aux copines "il m’a invité à boire un verre, je fais quoi ????". Et puis des petits challenges personnels à relever : apprendre à vivre seule après avoir vécu 4 ans avec quelqu’un, dater pour la première fois (durant le confinement et le couvre-feu), avoir des accidents de parcours (spoiler alert : je me suis fais pipi dessus pendant un date, mais je t’en reparlerai très vite), passer beaucoup de temps allongée les yeux rivés au plafond…
En juin 2020, alors que la France reprenait son souffle, après deux mois de confinement, j’affirmais mes désirs et je décidais de choisir mon bonheur, à ce qui me semblait être la norme : un partenaire, un appartement, un chat, un aspirateur Dyson et des photos de couple encadrées sur la cheminée. Je décidais que je ne voulais plus être la personne qui fait la vaisselle, celle qui propose des sorties le dimanche, celle qui est toujours un peu mal à l’aise en société, quand on lui demande "il n’est pas venu ?", parce qu’il n’avait jamais réellement envie de venir.
A ce moment-là, j’ai aussi sauté à pieds joints dans une vie nouvelle : être célibataire dans les années 2020, à 25 ans, post confinement, à Paris. Et crois moi, si tout ceci semble absolument anodin, puisqu’on est nombreux‧ses dans le cas, tous ces facteurs vaudraient à eux seuls de longs pavés de réflexion.
J’ai découvert les lectures féministes, les podcasts qui veulent révolutionner les relations amoureuses. J’ai suivi une thérapie. Je suis sortie de ma coquille, et en deux ans, il s’est passé tout un lot d’événement que j’ai aujourd’hui envie de raconter.
J’ai envie de les partager et je crois, que je dois le faire. Tu sais, ce qu’on dit de l’effet papillon, qu’un tout petit événement peut avoir des conséquences infinies ? J’y crois dur comme fer. Ce qui semblait la fin de mon monde en juin 2020 : bouleverser considérablement ma vie, choisir la solitude à la vie de couple, a mené à une révolution personnelle. Deux ans après, je prends conscience de toutes les portes qui s’ouvrent à soi, quand on ose pousser la première. Et je me dis, que ça peut servir. Ça peut plaire. Et au pire, ça peut me faire du bien d’écrire là-dessus.
Alors cette newsletter, ces écrits, sont pour celleux qui sont malheureux‧ses en amour, celleux qui n’osent pas, celleux qui ne savent pas, celleux qui veulent se changer les idées et pour les curieux‧ses.
Promis, on va bien s’amuser. En tout cas, je l’espère.
Bisous,
Lauréna (mais tu peux m’appeler Vava si tu veux).
Va va .. c’est un bon début !